recherche, les séries télévisées attirent depuis quelques années l’attention d’un nombre
croissant d’analystes. Revalorisées par les études culturelles (cultural studies) et les
théories sur les usages et les gratifications (Uses and Gratifications), les séries télévisées
témoignent aujourd’hui des diverses mutations qui restructurent les secteurs de la production,
de la diffusion et de la réception médiatiques. Ainsi le numéro spécial de la revue médiamorphoses intitulé « les raisons d’aimer… les séries télé », cherche à mettre en lumière ces mutations afin de comprendre l’engouement populaire que suscitent les séries, genre emblématique de la culture contemporaine, partout dans le monde.
Le numéro d'automne 2010 s'intéresse aux séries Dexter, Docteur House, Mentalist et Skins entre autres.
Peut-on dire que les séries télévisées sont le reflet de nos sociétés, ou contribueraient-elles à fonder une culture commune? On peut se demander également s'il est possible d'identifier des cultures de communautés, de groupes, de générations, nationales, transnationales, mondialisées qui seraient partiellement ou totalement assises sur ce genre de fictions.
Les séries TV ont connu un grand renouvellement depuis les années 1990. Comme les thématiques renouvelées des séries traversent les thèmes étudiés par les sociologues analysant la société dite « post-moderne ». C’est donc naturellement que l’analyse des séries télévisées s’est imposée comme un nouveau champ d’étude des sciences sociales.
Eric Vérat expose bien le fonctionnement de l’économie hollywoodienne des séries télévisées. Évidemment la dimension économique est première dans cette véritable « industrie culturelle » et elle exerce sa logique tout au long de la production des séries : « les séries peuvent rapporter gros et coûtent moins cher qu’un film ». Elles fidélisent le public. Cependant le succès commercial nécessite un vrai travail d’anticipation et d’expertise pour d’abord réaliser des épisodes pilotes qui convaincront les chaînes. Ensuite il s’agit pour les chaînes de bien utiliser leur grille de programme pour cibler les téléspectateurs et ainsi en attirer davantage. La multiplication des chaînes, notamment avec l’arrivée du câble dans les années 1970 a joué un rôle important dans la promotion des séries.
Eric Verat distingue les séries généralistes qui font 20 % de part de marché car elles sont capables de réunir la famille autour de leur télévision (par exemple CSI Les experts ou Desperate Housewives séries niches qui ciblent les spectateurs et donc permettent une programmation publicitaire plus efficace (c’est la cas de 24 heures chrono) qui attirent environ 30% des 18-49 ans.
Les séries télévisées sont un parfait contre exemple à la thèse de l’uniformisation culturelle à l’échelle mondiale. Il existe en effet de multiples modèles de séries dans le monde, la série états-unienne reste néanmoins la référence. Les séries sont un vecteur d’identité culturelle décisif. Ainsi, Régine Chaniac montre que les séries européennes sont particulièrement liées à des références nationales, expliquant la faiblesse des échanges européens en la matière.
Pour Eric Maigret et Guillaume Soulez, la transformation des conditions de l’expression de la culture, notamment par les nouveaux médias, rend l’analyse des pratiques selon la classe sociale d’appartenance moins forte que pour les autres pratiques culturelles. Cette spécificité rend alors possible la coexistence du succès d’audience et la reconnaissance culturelle. Ils expliquent un tel constat par un « relâchement, même faible, de la coercition culturelle ». Néanmoins ces sociologues insistent sur le fait que si la hiérarchie entre les formes culturelles décroît, il existe un jeu de hiérarchie entre les séries elles-mêmes. Des « entrepreneurs de morale » se font les défenseurs et les promoteurs de la culture télévisuelle de « qualité », celle des nouvelles séries américaines, qui contrasteraient avec les anciennes séries ou les autres formes télévisuelles. Ce snobisme concernerait d’abord les jeunes et s’exprime sur les blogs et les magasines consacrés aux séries dont le nombre a grandi ces dernières années.
Si on s'intéresse au contenu on peut retrouver des constantes, voire des clichés. Notamment en ce qui concerne la femme et l'homme dans ces séries. Citons comme exemple le stéréotype de la femme aveuglée par ses sentiments qui fait partie de l'arsenal classique de la misogynie, ou la présence du héros mâle dans une représentation assez classique. Mais cette lecture hâtive n'est-elle pas réductrice ? Qu'en pensent et qu'en disent leurs fans?
Philippe Le Guern a recueilli les témoignages d'étudiants sur la série Skins, série trash qui leur ressemblerait. On peut se demander à l'instar de François Jost, Comment expliquer le sentiment étrange d'attachement à un univers créé de toutes pièces? D'où vient le désir de vouloir connaître la vie de personnages dont on sait qu'ils n'ont d'autres existence que celle que veulent bien leur donner des scénaristes?
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