vendredi 22 janvier 2016

L'anthropologie de la communication selon Yves Winkin

          Yves Winkin a écrit un ouvrage nommé " Anthropologie de la communication" en 1996, livre réédité en 2001 par la maison d’édition « Seuil ». 

          Né le 29 janvier 1953 à Verviers, en Belgique, Yves WINKIN a effectué ses études à l’Université de Liège puis à l’Université de Pennsylvanie, où il fait la rencontre d’Ervin GOFFMAN. A la suite de son parcours, il devient professeur à l’Université de Liège (1985-1993) puis il rejoint l’Ecole Normale Supérieure de Lyon où il devient le directeur adjoint, chargé de la recherche et des relations internationales. Il a rejoint en 2014 le « Conservatoire National des Arts et Métiers » de Paris. Il est membre de plusieurs comités et conserve une activité aux Éditions des archives contemporaines. Il a également publié des ouvrages portant sur la sociologie, l’histoire des sciences sociales américaines, ainsi qu’une invitation à la démarche ethnographique en sciences de la communication. Ses travaux actuels portent sur les lieux publics urbains dans une perspective qui doit beaucoup à l’ethnographie. 



La première partie du livre nous propose deux conceptions de la communication : « La communication télégraphique et la conception orchestrale". Selon WINKIN, la conception télégraphique entretient la confusion entre information et communication en se basant sur le modèle de la flèche qui va d’une personne à une autre, donc de la transmission. Il cite de nombreux auteurs et théories, tels que: - La théorie mathématique du télégraphe présentée par SHANNON en 1949, reprise et développée par WEAVER, qui confond information et communication - LASWELL, qui s’intéresse à la communication comme moyen pour produire un effet « Qui, dit quoi, par quel canal, à qui, avec quel effet ? » - LARZARSFELD (1955) qui étudie l’influence des leaders et les flots d’opinions qui circulent (mode, cinéma, etc.). 
Concernant la conception orchestrale, cette dernière perçoit la communication comme pouvant être comparée à un « orchestre sans chef ni partition ». Deux grandes figures représentent cette conception : G. BATESON (Ecole de Palo Alto) et R. BIRDWHISTELL. Ils considèrent que tout comportement est communication (comportement vestimentaire, démarche, etc.). 
L’ouvrage synthétise au total sept dimensions de la communication orchestrale. Il en résulte que la communication est une activité sociale permanente à laquelle les individus participent selon de multiples modes verbaux et non verbaux. La communication est une construction du sens intégrée dans la dynamique sociale. Le chercheur fait alors, logiquement, partie du système qu’il étudie. WINKIN reconnaît privilégier cette approche sociale de la communication. 
Dans la deuxième partie intitulée "Emergence d'une Anthropolgie de la communication", WINKIN se base sur les travaux de l’anthropologue et linguiste Dell HYMES, à qui l’on doit l’expression « anthropologue de la communication ». Ce dernier s’attache à montrer que l’étude de la communication doit être fondée sur une démarche ethnographique. Pour lui, toute intention attribuée au sein d’une communauté est un acte de communication. Il faut donc observer la communication sur le terrain (« savoir voir »), participer à la vie du groupe étudié (« savoir être avec ») et retranscrire la réalité observée (« savoir écrire »). 
Dans la troisième partie," La démarche ethnographique", WINKIN invite tous les chercheurs à procéder à cette immersion dans le terrain. Il reconnaît cependant que l’observation participante peut conduire à une perception faussée de la situation observée, mais elle demeure nécessaire pour toute étude. Elle peut se faire sur des terrains plus ou moins grands, (ex : café, théâtre, stade de foot..). La capacité d’observation doit devenir naturelle, c’est un métier. De plus, selon WINKIN, « apprendre à voir c’est d’abord apprendre à penser ». Cette démarche d’observation permettra des structures de comportement assez générales (comme l’étude des silhouettes).
A travers la quatrième partie," Sur le terrain",  WINKIN nous explique que s’il n’y pas de passage par le terrain, il n’y a pas d’anthropologie. Ce passage est obligatoire car il va permettre d’objectiver l’étude de la communication. WINKIN propose de faire de toute expérience de vie un terrain d’observation de la communication, comme par exemple un repas dans une cafétéria avec des inconnus. Le travail du chercheur est un constant va et vient entre le terrain et la théorie. La prévisibilité sociale permet de tirer des enseignements de l’observation des situations, et donc de faire un véritable travail d’analyse du terrain. 
La cinquième partie," Étudier le ronronnement de la société" est consacrée à la « construction d’une notion théorique qui repose sur un ensemble d’opérations complexes ». Une des étapes essentielles est de tester la notion sur le terrain, de vérifier si « elle sert vraiment à quelque chose ». L’anthropologie de la communication c’est savoir « renouveler son regard, créer la différence, rompre avec l’évidence ». Selon lui, et il conclut son ouvrage sur cette idée, l’anthropologue de la communication tente au quotidien de répondre à la question suivante : « Comment l’ordre social s’engendre t’il au quotidien, dans l’accomplissement de règles connues de personnes, entendus par tous ?
 ».