mercredi 20 avril 2011

TD N° 3 : Existe-t-il des raisons pour aimer les séries télévisées


Autrefois méprisées en tant que manifestations d’une culture populaire sans intérêt pour la
recherche, les séries télévisées attirent depuis quelques années l’attention d’un nombre
croissant d’analystes. Revalorisées par les études culturelles (cultural studies) et les
théories sur les usages et les gratifications (Uses and Gratifications), les séries télévisées
témoignent aujourd’hui des diverses mutations qui restructurent les secteurs de la production,
de la diffusion et de la réception médiatiques. Ainsi le numéro spécial de la revue médiamorphoses intitulé « les raisons d’aimer… les séries télé », cherche à mettre en lumière ces mutations afin de comprendre l’engouement populaire que suscitent les séries, genre emblématique de la culture contemporaine, partout dans le monde.
Le numéro d'automne 2010 s'intéresse aux séries Dexter, Docteur House, Mentalist et Skins entre autres.
Peut-on dire que les séries télévisées sont le reflet de nos sociétés, ou contribueraient-elles à fonder une culture commune? On peut se demander également s'il est possible d'identifier des cultures de communautés, de groupes, de générations, nationales, transnationales, mondialisées qui seraient partiellement ou totalement assises sur ce genre de fictions.

Les séries TV ont connu un grand renouvellement depuis les années 1990. Comme les thématiques renouvelées des séries traversent les thèmes étudiés par les sociologues analysant la société dite « post-moderne ». C’est donc naturellement que l’analyse des séries télévisées s’est imposée comme un nouveau champ d’étude des sciences sociales.

Eric Vérat expose bien le fonctionnement de l’économie hollywoodienne des séries télévisées. Évidemment la dimension économique est première dans cette véritable « industrie culturelle » et elle exerce sa logique tout au long de la production des séries : « les séries peuvent rapporter gros et coûtent moins cher qu’un film ». Elles fidélisent le public. Cependant le succès commercial nécessite un vrai travail d’anticipation et d’expertise pour d’abord réaliser des épisodes pilotes qui convaincront les chaînes. Ensuite il s’agit pour les chaînes de bien utiliser leur grille de programme pour cibler les téléspectateurs et ainsi en attirer davantage. La multiplication des chaînes, notamment avec l’arrivée du câble dans les années 1970 a joué un rôle important dans la promotion des séries.

Eric Verat distingue les séries généralistes qui font 20 % de part de marché car elles sont capables de réunir la famille autour de leur télévision (par exemple CSI Les experts ou Desperate Housewives séries niches qui ciblent les spectateurs et donc permettent une programmation publicitaire plus efficace (c’est la cas de 24 heures chrono) qui attirent environ 30% des 18-49 ans.

Les séries télévisées sont un parfait contre exemple à la thèse de l’uniformisation culturelle à l’échelle mondiale. Il existe en effet de multiples modèles de séries dans le monde, la série états-unienne reste néanmoins la référence. Les séries sont un vecteur d’identité culturelle décisif. Ainsi, Régine Chaniac montre que les séries européennes sont particulièrement liées à des références nationales, expliquant la faiblesse des échanges européens en la matière.

Pour Eric Maigret et Guillaume Soulez, la transformation des conditions de l’expression de la culture, notamment par les nouveaux médias, rend l’analyse des pratiques selon la classe sociale d’appartenance moins forte que pour les autres pratiques culturelles. Cette spécificité rend alors possible la coexistence du succès d’audience et la reconnaissance culturelle. Ils expliquent un tel constat par un « relâchement, même faible, de la coercition culturelle ». Néanmoins ces sociologues insistent sur le fait que si la hiérarchie entre les formes culturelles décroît, il existe un jeu de hiérarchie entre les séries elles-mêmes. Des « entrepreneurs de morale » se font les défenseurs et les promoteurs de la culture télévisuelle de « qualité », celle des nouvelles séries américaines, qui contrasteraient avec les anciennes séries ou les autres formes télévisuelles. Ce snobisme concernerait d’abord les jeunes et s’exprime sur les blogs et les magasines consacrés aux séries dont le nombre a grandi ces dernières années.

Si on s'intéresse au contenu on peut retrouver des constantes, voire des clichés. Notamment en ce qui concerne la femme et l'homme dans ces séries. Citons comme exemple le stéréotype de la femme aveuglée par ses sentiments qui fait partie de l'arsenal classique de la misogynie, ou la présence du héros mâle dans une représentation assez classique. Mais cette lecture hâtive n'est-elle pas réductrice ? Qu'en pensent et qu'en disent leurs fans?

Philippe Le Guern a recueilli les témoignages d'étudiants sur la série Skins, série trash qui leur ressemblerait. On peut se demander à l'instar de François Jost, Comment expliquer le sentiment étrange d'attachement à un univers créé de toutes pièces? D'où vient le désir de vouloir connaître la vie de personnages dont on sait qu'ils n'ont d'autres existence que celle que veulent bien leur donner des scénaristes?





mardi 19 avril 2011

CM n°5 Culture de masse et mass médias

Ce cours est le complément des cours sur les empirismes du nouveau monde, l'école de Francfort et des cultural studies.
Il est emprunté à Catherine Bertho.

XXe siècle : nouveaux médias et interprétation des transformations culturelles"

Au XXe siècle, l’apparition de nouvelles technologies correspond à des remaniements profonds dans le champ de la culture. Le cinéma, le disque, la radiodiffusion, la télévision puis internet entraînent des mutations dans l’économie et les pratiques culturelles. Le livre, le théâtre, le music-hall, la musique populaire prennent alors des formes nouvelles. Les systèmes d’information et de communication se transforment aussi lorsque la radiodiffusion puis la télévision se substituent à la presse comme moyen d’information habituel. Ces transformations donnent lieu à un regard critique des contemporains. Les notions de mass-media et de culture de masse sont élaborées au cours des années 1930 puis critiquées et remises en question. On étudiera dans les leçons de ce second semestre à la fois la mise en place des industries de la culture et l’émergence du discours critique à leur endroit.

I. XXe siècle. Nouvelles technologies
A partir de la dernière décennie du XIXe siècle, de nouvelles technologies apparaissent qui ont en commun de permettre l’enregistrement et la reproduction des œuvres par des procédés mécaniques ainsi que leur diffusion à l’intention d’un public de masse.
a. Le cinéma (muet) apparaît en 1895 - Les Frères Lumière, ainsi que les industriels Pathé et Gaumont en France créent de puissantes compagnies. Aux Etats-Unis Edison contrôle la production jusqu’en 1913. Après quelques hésitations, la projection publique s’impose comme mode usuel de diffusion des films. Ces derniers sont projetés dans des « théâtres » spécialisés, souvent d’anciens music-halls. Au début des années 1930 les films deviennent « parlants »(1927 « The Jazz Singer »), ce qui entraîne un renouvellement complet des procédés de tournage et de projection. Les brevets pour l’enregistrement des disques, ceux du cinéma sonore et ceux de la radio sont contrôlés par des firmes apparentées. Les Etats-Unis et l’Allemagne sont en compétition pour le contrôle des techniques du son.
b. Disque-radio. Dès les années 1880 on peut enregistrer paroles et musiques sur des rouleaux de cire et le restituer pour une écoute collective. L’inventeur et industriel américain Edison est très présent sur ce marché tandis que le marché européen est dominé par des firmes anglaises, allemandes et française (Marconi, Pathé). Après 1925-30 on procède à des enregistrements électriques sur disques 33 tours. De grosses compagnies se mettent en place (Edison, Pathé, Decca). A partir de 1922, dans tous les pays industrialisés, des réseaux de stations de radiodiffusion commencent à vivre de l’association de la publicité et de la diffusion de musique et de spectacles enregistrés.
c. La télévision. Des prototypes d’appareils de télévision sont présentés au public dès la fin des années 1930 mais les réseaux permettant une diffusion auprès du grand public ne se mettent place réellement aux Etats-Unis et en Europe qu’après 1945. Ils reprennent le modèle technique et économique des réseaux de radiodiffusion : réseaux d’émetteurs reliées entre eux, studios d’enregistrement centralisés, financement par la publicité. La valeur des messages publicitaires est indexée sur le nombre d’auditeurs. L’audience est mesurée par des dispositifs spéciaux..
d. L’apparition de la VHS, du DVD et d’internet (1970-2000) oblige à renégocier les frontières entre les domaines et les intérêts économiques en présence. Seul internet, dans la forme que prend le réseau après l’an 2000, modifie considérablement l’économie des mass medias en multipliant les sources de programmes et en généralisant les échanges de pair à pair.

2. Déplacements de frontières dans les pratiques culturelles

Les nouveaux médias se développent en s’appuyant sur le savoir-faire des domaines plus ancienne des arts de la scène et de la culture, dont ils captent en partie le public et mobilisent les créateurs.

Musique. L’opéra, l’opérette, le vaudeville, le café-concert, le music-hall nourrissent les émissions de « variété » de la radiodiffusion. (Ex. « American jazz band »). Dès la fin des années 1920 l’industrie du disque et la radio sont associées et articulent leurs productions sur l’économie du spectacle vivant. Passages à la radio, sortie de disques et tournées sont habilement coordonnés.

Après 1930 le cinéma s’appuie aussi sur les industries de la musique. Les films musicaux (opérettes, « musicals ») constituent un genre à part entière. La musique de film est un débouché pour les compositeurs. Dans la chanson, films, compagnies de disques et radios organisent le succès d’un titre. Par exemple, pour L’Ange Bleu (Von Sternberg, 1930) Marlene Dietrich enregistre « Ich bin die fesche Lola », diffusé ensuite en disque et à la radio. En 1934 les producteurs décident de rajouter la chanson de Dita Parlo « Le chaland qui passe » au film de Jean Vigo L’Atalante, ce qui assure le succès public d’un film difficile.

Ecrit. Le livre savant et le livre populaire fournissent des récits au cinéma muet. Par exemple, un film de 10mn 30 s, tiré de l’œuvre de Charles Dickens, A Christmas Carol, est produit en 1910 dans les studios Edison. Le Fantômas de Pierre Feuillade est tiré d’un roman de Souvestre et Allain. Dans une veine plus populaire, on passe du feuilleton au « serial ». Aux Etats-Unis, The Perils of Pauline, (1914) adapte à l’écran la veine du feuilleton à rebondissements.

Théâtre et spectacle vivant. Le théâtre, classique ou populaire, prête au cinéma ses intrigues, ses acteurs, ses metteurs en scènes, son savoir-faire. Les Films d’art (1908) français sont ainsi créés en France explicitement pour tirer partie du répertoire classique. C’est du théâtre de vaudeville anglais que vient Charlie Chaplin qui y a appris l’art de la pantomime.

3. Les caractéristiques nouvelles
Les nouvelles technologies donnent naissance à des industries qui transforment le champ de la culture. Elles ont des caractéristiques communes.

a. « Industrialisation » de la production.
La première est l’adoption de modèles de production industriels : livres populaires, comic books, disques, et même films sont fabriqués en série selon des procédés industriels, et vendus comme des biens de grande consommation.


La fabrication du livre populaire est industrialisée dès le dernier tiers du XIXe siècle. A Paris la fabrication est délocalisée dans de grandes imprimeries en banlieue. Des éditeurs spécialisés y font fabriquer au meilleur coût des livres imprimés sur du mauvais papier, destinés à un public populaire, urbain. Les intrigues sont stéréotypées, l’écriture simplifiée. Les couvertures sont illustrées. Les éditeurs ont recours à la publicité. Aux Etats-Unis la Western Novel est diffusée de cette façon, de même que les Comic books destinés à un public urbain peu lettré.

En ce qui concerne la musique, Edison crée dans la banlieue de New York (Orange) une usine qui produit des cylindres et appareils de lecture reproduisant la musique enregistrée. La gravure sur disque prend le pas en 1910 sur le cylindre, l’enregistrement électrique s’impose après 1925. Le microsillon apparaît en 1949. Le marché de la musique enregistrée développé des les années 1930 aux Etats-Unis, ne touche le grand public en Europe qu’à la fin des années 1940 et surtout après 1960 (45 tours). Il accompagne des changements culturels de fond :diffusion du jazz, du rock, internationalisation et autonomisation de la culture « jeune ».

L’industrialisation du cinéma concerne en premier lieu le tirage des films destinés aux projections foraines dans les années 1900-1910. Des machines effectuent ainsi le tirage de court métrages reproduits à de nombreux exemplaires dans l’usine de la firme française Pathé à Joinville. Les ouvrières qui colorient certains films travaillent sur le modèle de la chaîne. Aux Etats-Unis c’est tout le système classique de production hollywoodien sera comparé au système fordiste de production.
(Ill. Usine Pathé à Joinville – Usine Edison (N-J) – Disques Decca 1934 )

b. Recherche du public maximum

Le livre bon marché, le cinéma puis le disque visent le marché de masse.
La recherche du plus grand public prend une forme particulière à la radio où sont instituées la mesure de l’audience et le financement par la publicité.


c. On observe la standardisation des produits, l’internationalisation des marchés, la domination économique et culturelle des Etats-Unis.

3. Réflexions critiques sur les mass medias

Cette industrialisation est accompagnée de transformations importantes dans la forme des produits culturels ainsi que dans leur mode de consommation. Les contemporains ont le sentiment de voir naître une nouvelle culture populaire, plus dynamique que la culture cultivée et susceptible de la mettre en péril. Intellectuels et universitaires élaborent de nouveaux concepts pour en rendre compte, voire pour la critiquer.

a. Naissance du concept de « mass médias »

Le mot « mass medias » apparaît aux Etats-Unis vers 1923. Il associe deux termes d’origine différente.
«Medium » est un mot latin, déjà utilisé par Victor Hugo qui voyait dans le poète un «medium » au sens de « passeur ». Il désigne le support du message. On notera qu’il faut considérer à la fois à la fois la technique et l’institution qui permet de la mettre en œuvre : la radiodiffusion, la télévision sont des « mass médias ». La technologie de la radio n’a pas de sens sans l’institution (entreprise, administration) qui la met en œuvre dans un cadre juridique précis.

« Masse » renvoie à la dimension du public des nouvelles technologies, qui sont organisées, au XXe siècle, de façon à atteindre le public le plus vaste possible.

Le terme « mass media » entre dans le langage commun ainsi que «communication de masse », plus utilisé en anglais. Ce dernier terme désigne « les journaux, magazines, cinéma, télévision, radio et publicité, parfois le livre, - surtout la fiction populaire- et la music (industrie de la pop) » (Tim O’Sullivan et autres, Key concepts in mass communication and cultural studies, Routledge, 1994, reed.)

b. Analyse des aspects technologiques des médias et de leurs conséquences sur la création et la réception des œuvres


Les aspects proprement techniques des médias, et leur incidence sur la communication ou l’accès aux œuvres, vont attirer l’attention des contemporains des les années 1930. On retiendra seulement quelques auteurs.

Le philosophe et sociologue allemand Walter Benjamin s’interroge sur la perte de sacralité de l’œuvre d’art dans un texte écrit en 1935 et redevenu célèbre dans les années 1970 « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique ».

En ce qui concerne la réception, l’écrivain français Georges Duhamel qui au cours des années 1930 (Scènes de la vie future, 1930) s’interroge sur la différence entre l’acte de lire et celui de regarder un film, pour condamner le cinéma ( un divertissement d’ilotes »)

L’auteur canadien Marshall McLuhan dans une série d’ouvrages extrêmement lus dans les années 1970, essaie de conceptualiser l’effet sur la culture de la domination des réseaux et de la substitution de l’image à l’écrit comme média dominant (Understanding Médias, 1968, The Gutenberg Galaxy,1967, Message is massage,v.1967 ). C’est lui qui introduit la notion de « village global ».

Une dimension qui ne nous retiendra pas ici mais qui est importante est la question de la manipulation de l’opinion à travers les médias de masse. Les Américains, qui ont assisté au cours de la première guerre mondiale à des opérations de propagande très sophistiquées dans leur propre pays produisent des ouvrages sur la manipulation des esprits.

c. Naissance des concepts de « culture de masse » et d’"industrialisation de la culture »

L’analyse des « mass média » conduit aussi à développer deux concepts associés : celui d’industrialisation de la culture et de « culture de masse »

Le mot «masse », utilisé dès les années 1930 dans l’expression « culture de masse » possède des connotations idéologiques et politiques qui vont assurer d’abord sa fortune puis son déclin. Il s’inscrit dans la critique des rapports sociaux et politiques d’une société où les individus ne seraient plus inscrits dans les cadres sociaux traditionnels (église, village, professions) mais seraient atomisés au sein d’une société urbaine qui ne les considèrerait plus que comme des consommateurs. Dépourvues de cadres structurants (le parti, l’église, la nation) ces consommateurs seraient vulnérables à toutes les manipulations. Par ailleurs, ils seraient amenés à consommer des produits culturels de qualité médiocre, dégradés par leur forme de marchandise. Produits à bas coût et en série par les « industries de la culture », ces « produits culturels » auraient perdu la force créatrice et le contenu de critique du monde qui seraient caractéristiques des « véritables » œuvre d’art.

Cette conception critique est particulièrement développée par des philosophes et sociologues rassemblés au sein de ce que l’on appellera l’Ecole de Francfort. Ses premiers membres sont les philosophes allemands Théodore Adorno et Max Horkheimer. Forcés de quitter leurs chaires à l’université de Francfort, ils se réfugient aux Etats Unis avant de revenir à Francfort après la guerre. Ils sont à la fois marxistes, et représentants de l’élite intellectuelle allemande imprégnée de culture. Ils sont horrifiés par ce qu’ils découvrent de la culture de masse américaine qui leur paraît une manipulation du capitalisme américain pour déstructurer la classe ouvrière. La dialectique de la raison (publié en allemand en 1947) est une protestation autant qu’une analyse critique.

Le philosophe germano-américain Herbert Marcuse qui appartient aussi à l’Ecole de Francfort enseigne en Californie où il devient une référence pour le mouvement américain de la contre-culture des années 1960-70. Dans L’homme unidimensionnel (1964) il adapte au monde contemporain le concept marxiste d’aliénation en montrant que les mass media contribuent à rendre les contemporains «étrangers à eux-même », inconscients de leur véritable place dans le monde et de leurs intérêts, et donc «aliénés».

Appartient aussi à l’Ecole de Francfort l’essayiste Siegfried Kracauer, qui publie en 1948 une analyse du cinéma allemand De Caligari à Hitler, une analyse psychologique du cinéma allemand (édité en français en 1973) dans laquelle il s’interroge sur la responsabilité politique du cinéma de fiction.
Les travaux de l’école de Francfort seront développés en Europe par l’introduction de la pensée du philosophe allemand de la génération suivante Jürgen Habermas dont la thèse introduit le concept « d’espace public » L'espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1963).

L’arrière-plan clairement marxiste des ces différents penseurs est souligné par d’autres auteurs, en particulier américains, qui y voient un parti pris limitant la pertinence de leurs analyses.

d. Les cultural studies et la question de la culture populaire

Les cultural studies vont aborder la question de la culture populaire du XXe siècle à partir d’un point de vue souvent aussi engagé mais plus pragmatique. Au lieu de procéder à une analyse philosophique et à une condamnation globale, les historiens des cultural studies multiplient les analyses fines de situation de communication ou de pratiques culturelles populaires et examinent la façon dont l’industrialisation de la culture les transforment. Deux auteurs anglais sont importants : Hoggart avec The Uses of Literacy (1957, traduit par La culture du pauvre, Editions de minuit, 1970) offre une analyse sensible, fondée sur son expérience personnelle, de la culture ouvrière anglaise au milieu du XXe siècle. Raymond Williams, fondateur de la New Left review, publie Culture and Society (1958) et analyse ensuite la télévision anglaise, souvent dans des rapports commandés par la BBC.

La veine américaine des cultural studies est toute différente. Elle prend sa source dans le désir de reconsidérer les minorités (raciales, sexuelles) et de défendre leurs droits. Ses premiers travaux s’interrogent donc sur la façon dont une culture dominante altère et minore la représentation des groupes dominés dans la société. Elles développement ensuite les études-coloniales et post coloniales, s’adaptant aux problématiques de l’économie mondialisée des médias de la fin du XXe siècle.

Conclusion
L’analyse actuelle des mass media et de leurs relations avec les transformations de la culture populaire reprend, souvent sans les expliciter, des concepts ou des analyses empruntées aux auteurs cités ci-dessus. On considèrera dans les séances suivantes de ce cours du second semestre à la fois ce que nous disent les historiens de la mise en place des industries de la culture au XXe siècle et la représentation qu’en ont eue certains des contemporains les plus influents.